Entendement et niveaux d’entendement "- Pourquoi donc, ici-bas, l’homme d’ici-bas raisonne-t-il, alors que les autres animaux ne raisonnent pas ?
- Ne faut-il pas répondre qu’à la différence qu’il y a, là-haut, pour ce qui est de la pensée, entre les hommes et les autres animaux, correspond ici-bas la différence qu’il y a entre eux, pour ce qui est de raisonner ? Car, jusqu’à un certain point, il se trouve aussi dans les autres animaux de nombreuses activités produites par le raisonnement.
- Pourquoi donc, alors, les animaux ne sont-ils pas raisonnables de manière égale à l’homme ?
- Mais pourquoi alors les hommes eux-mêmes, les uns par rapport aux autres, ne sont-ils pas non plus également raisonnables ? En fait, il faut bien concevoir qu’il ne fallait pas que toutes les vies, qui sont comme des mouvements, et que toutes les pensées fussent identiques ; mais il fallait qu’il y ait des vies qui diffèrent entre elles et de la même manière des pensées qui diffèrent entre elles... " (cf. Plotin – Traité 38 – 8, 30),
"Il existe une autre énergie, principe en ma chair que Dieu me fabriqua, non seulement de vie mais de sensations : elle commande à l'œil non pas d'entendre, à l'oreille non pas de voir, mais qu'ils me servent celui-là pour voir, celle-ci pour entendre, et ainsi un par un des autres organes appropriés en leurs sièges à leurs fonctions : par eux de façons diverses agit, être unique, l'âme que je suis.
… cette énergie, le cheval et le mulet la possèdent, eux, qui comme moi, ont également la sensation." (cf. saint Augustin - Confessions - Livre X, 7).
En ce début de troisième millénaire, que pourraient écrire ces illustres esprits ? ------------------
Désormais, nous pouvons argumenter avec force, le "réalisme" (l’existence), en notre intériorité, de multiples niveaux d’entendement.
Ne sommes-nous pas les pôles d’incessants flux d'organisations de processus à effet biologique, de processus à effet comportemental, voire à effet mortifère, nécessitant toutes,
la prise en compte permanente de repères de valeur spécifiques à chaque niveau clé de notre organisme ? , des activités essentielles qui présupposent bien évidemment, moult facultés, dont celles qui permettent de reconnaître, de juger, de choisir,
d’anticiper, ..., in fine, de décider et d’agir.
Ne soyez donc pas étonnés si la dynamique évolutive du phénomène de la vie, atteste de nombreux niveaux d’entendement de caractère subordonné,
adaptés au niveau de complexité des êtres.
Par exemple, supposons que nous soyons :
* une "cellule" (ou un être élémentaire),
nous manifesterions quelques intentionnalités et objectifs comparables à ceux qui émergent de l'état de conscience.
Pour "faire vivre" l'extraordinaire usine que nous serions :
nous percevrions notre environnement par des sens élémentaires, conserverions nos informations à l'aide de mémoires biologiques constituées de molécules, d'atomes, de particules, ...,
analyserions, gérerions et conduirions le développement de notre état d'être avec d’impérieux désirs comme pérenniser notre vie et accroître notre compréhension du "petit monde" qui nous entoure.
Pour cela, nous aurions donc la connaissance du "haut - bas", "devant - derrière", …, de l'"utile - nuisible",..., du "moi - non moi", de l'"ami - ennemi ", …, et disposerions de toutes les facultés nécessaires à notre dynamique de vie.
Nos référentiels de valeur seraient adaptés à nos niveaux de complexité et nous utiliserions des durées, ces mystérieux intervalles qui ne sont pas de l’espace mais
d’ordre transcendant.
Cependant, malgré les nombreuses similitudes évoquées, notre entendement ne serait pas aussi "subtil" et "général" que celui de l'homme.
* un "végétal",
nous n'ignorerions pas les cycles solaires et lunaires,..., nous pressentirions les zones humides pour y enfoncer nos racines afin de puiser l'eau, ..., nous utiliserions les photons nécessaires aux extraordinaires activités de photosynthèse qui nous seraient propres ....
"Dionée" (dionaea muscipula, il s’agit d’une plante carnivore) par exemple, nous saurions "sommer" (additionner) puisque nous ne réagirions aux perturbations que si celles-ci affectent au moins, deux de nos poils détecteurs,
sommer de manière déjà subtile puisqu'il faut que deux poils opposés soient touchés successivement.
* un "animal" ou un "humanoïde".
Les activités d’ordre transcendant dont nous serions le pôle, nous conduiraient à agir suivant des modes dits instinctifs.
Certes, nous n'aurions, par rapport à l'humain, qu'une connaissance "amoindrie" des choses et des phénomènes, notamment en raison de capacités de mémorisation plus réduites,
néanmoins, disposant d'un système de valeur assez "élaboré", nous exprimerions des émotions.
Ainsi,
les oiseaux ont un sens développé de la famille et même utilisent des outils, …,
les animaux supérieurs sont sensibles à l'affection, …,
les chimpanzés, les orangs-outans et les gorilles manifestent un proto état de conscience. * revenons à notre état d’"homme".
Nous savons désormais, que nous sommes "porteurs" :
- du niveau d'entendement des êtres élémentaires que sont nos cellules,
- des niveaux d'entendement qui incluent le proto état de conscience,
- in fine,
de l'état de conscience qui permet de vastes transcendances et de profondes introspections.
Mais alors, puisqu’il n’y a pas de discontinuité structurelle entre le monde vivant et la matière inerte, qu’en est-il de l'entendement au niveau des molécules et des atomes, voire au niveau quantique ?
Faut-il rappeler
qu'au niveau quantique il y a en permanence respect de directions et de chronologies rigoureuses ?
Bien évidemment la matière inerte ne peut pas reconnaître, juger, choisir, …, décider et agir ; elle ne peut donc évoluer par elle-même, en toute cohérence.
L’implication permanente d’une entité créatrice, d’ordre transcendant, est donc impérieusement nécessaire.
Plotin ne nous contredirait pas, lui qui s’interrogeait quant à la coexistence du bien et du mal dans la matière :
"Comment la matière, si elle est mauvaise, peut-elle désirer le bien, sans perdre son être de matière par sa participation au bien." (cf. Traité 26 - III, 6 - 11, 31).
*
Ainsi, les
niveaux subordonnés et évolutifs de l’entendement sont riches d’enseignements quant à la dynamique des êtres et quant aux
causes primordiales.
Insistons davantage.
Considérons par exemple, les très jeunes macaques japonais de l'île de Koshima qui apprennent à laver les patates sales sous la direction de leur mère,
ou encore, les gorilles des plaines, découverts au Congo, qui enseignent à leur descendance comment rincer les racines qui constituent leur nourriture.
Ces comportements, que présupposent-ils ?
Ils impliquent plus que de simples activités physiques :
ils nécessitent des activités abstraites notamment des reconnaissances, des choix, des prévisions, …, et des décisions.
Autre interrogation similaire, comment expliquer que Sarah, une femelle chimpanzé dressée par Premack, était capable de "rapporter" certaines choses à des symboles,
plus précisément, associait trois dessins censés signifier, respectivement, "rouge", "un cercle" et "une queue", à sa vision d'une pomme ? (cf. L'intelligence animale - J. Vauclair, Le Seuil).
Ne faut-il pas que certains caractères de la pomme et de ces dessins soient transférés dans un même domaine de virtualité (d’abstraction), afin qu'ils soient reconnus et comparés par une entité créatrice maître du "sens" et du "temps" ? Certes.
Dès lors, quid de ce mystérieux domaine toujours ignoré des philosophes et des théologiens, où "règne" l’éternel présent du moment ? Nous pourrions également citer les comportements de Kanzi.
Eduqué au Yerkes Center d'Atlanta, ce chimpanzé reconnaissait plus de six cents mots et était capable de construire des embryons de phrases avec des lexigrammes.
Bien que ces phrases soient rudimentaires, jusqu'à paraître stupides, il n'en demeure pas moins que cela ne se pouvait sans la prise en compte innée de référentiels abstraits mémorisés, jugés et constamment réactualisés,
et s’il y a "prise en compte innée", évidemment, il y a aussi
interprétation innée.
A propos de "l’inné" et des processus biologiques qui lui sont associés, prenons donc garde aux graves erreurs et ambiguïtés diffusées par nombre de bio-philosophes ; les exemples abondent :
* "L'instinct est une capacité innée d'un animal à acquérir un comportement typique de l'espèce dans des conditions appropriées de milieu et notamment au contact des parents et des congénères.
L'homme n'apprend pas vraiment à parler, pas plus que l'oiseau n'apprend à voler.
Ce
savoir est déposé par ses gènes dans son cerveau et c'est le congénère qui lui révèle ce trésor.".
Nous hallucinons ! (expression non académique, qui ne manque pas de sel).
Les gènes en effet, ne déposent rien ; en revanche, ils permettent que soient mémorisées moult
potentialités qui sont les fruits d'incessantes activités de création d'ordre physique et d’ordre transcendant, des potentialités qui peuvent ensuite être actualisées (devenir des réalités) par le biais des parents, des congénères, de l'éducation ou d’autres initiateurs et révélateurs comme les contraintes environnementales.
* "Le réel perçu par l'animal est mémorisé dans son cerveau ou plus exactement au sein du complexe neuronique de son cerveau.".
Oui, mais alors suivant quels processus, dans le cadre de quels repères de valeur, et par qui ? Par la matière grâce à une
propriété d'ordre physique qui lui permettrait de
transcender les états du réel pour les reconnaître, les juger, …, et agir ?
Certes non.
* "Il n’est plus nécessaire de chercher et de définir l'observateur qui réalise les images mémorisées dans le cerveau, si l'on admet que le cerveau fonctionne comme une
métaphore agissante,
c'est à dire, au sein duquel la représentation est confondue avec l'action, ...
Les représentations sont à la fois les formes et les forces qui produisent et reproduisent le monde du sujet, ....".
Qu'est-ce qu'une métaphore agissante ?
Faut-il rire ou pleurer face à ce discours ? !
Répétons-nous, ce ne sont pas les
imageries virtuelles du monde sises dans le domaine de l'abstraction qui, en propre, produisent et conduisent l'acte.
Ces imageries
sont des référentiels abstraits et non point des opérateurs.
Mais alors, qui les élabore, assure leur cohérence et leur adéquation avec le réel, qui les utilise ? Demeurons donc vigilants et critiques vis-à-vis des explications faciles et simplistes, actuellement véhiculées par les presses spécialisées, voire par les scientifiques eux-mêmes !
Paul Moyne
http://www.paulmoyne.com
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