L’univers n’est pas dirigé par des lois mais par une entité créatrice de caractère divin, non omnipotente ; dès lors, quid de Dieu, omnipotence postulée par nécessité ?
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Latest Activity: Aug 2, 2013
Dieu,
Pouvoir et énergies
Les "archives préhistoriques" attestent de croyances en des pouvoirs cachés imaginés associés aux êtres, aux choses et aux phénomènes.
Les esprits éveillés et interrogatifs de cette époque, puis ceux des époques qui suivirent,
à l’instar des incessantes activités de recherche qui se déroulent dans nos cellules, et qui nous conduisent à œuvrer pour savoir et à chercher pour savoir davantage,
tentèrent donc de pénétrer l’inaccessible qui les hantait.
Les capacités d’abstraction du psychisme humain s’accroissant, comme en témoigne le développement continuel des vecteurs du sens que sont les langages parlés et écrits, ces pouvoirs furent alors sacralisés sous couvert d’entités bénéfiques ou maléfiques, de Dieux ou de Démons divers, plus ou moins spécialisés et hiérarchisés, caractéristiques de civilisations.
A l’époque qui vit naître et fleurir la philosophie grecque, l’hindouisme, le Taoïsme, le Bouddhisme et le Confucianisme, Platon, dans sa septième lettre (342 a-b), proposa même de définir les dieux suivant trois critères onoma (leur nom), logos (leur pouvoir) et eidólon (leur image).
A l’instigation d’autres esprits charismatiques et à l’aide d’autres logiques de raisonnement, se développa le monothéisme juif, puis les monothéismes chrétien et musulman, avec un seul Dieu, omnipotent mais décliné de manières différentes.
Or tous ces esprits éclairés ignoraient les distinctions que nous pouvons faire, que nous devons faire entre les forces, les pouvoirs et les énergies,
une ignorance relative qui évidemment, affectait leur compréhension des causes primordiales.
Dès lors, en ce début de troisième millénaire, que pouvons-nous raisonnablement dire de celles-ci, et corrélativement, de Dieu ?,
sachant qu’il ne peut pas y avoir de croyances sans logiques, et vice versa,
et qu’en outre, pour vivre, il faut croire !
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Observations préliminaires.
Préalablement à tout discours sur Dieu, les pouvoirs et les énergies,
- d’une part, il convient d’attirer l’attention sur l’impact considérable du conditionnement de l’esprit (de son formatage, en langage informatique), notamment lors de l’éducation (il convient aussi de le faire lorsque l’on débat de concepts essentiels),
En effet, le rabâchage s’accompagne toujours d’un renforcement de liaisons synaptiques par le biais d’un processus de phosphorylation et de productions auto-entretenues de facteurs de croissance.
C’est pourquoi, de "fausses vérités", voire des idées farfelues, constamment ressassées, peuvent devenir des vérités imprescriptibles conduisant parfois aux comportements abominables qui émaillèrent, qui émaillent encore l’histoire de l’humanité,
- d’autre part, il est essentiel de faire valoir le réalisme de l’ordre transcendant et en premier lieu, le réalisme de l’état de transcendance dont certes quelques philosophes parlent, mais à vrai dire, sans en "assumer" les présupposés.
Or l’homme est l’être qui exprime le mieux cet état extraordinaire qui permet de se situer "hors" ou "dans" les choses,
et ce, d’autant plus qu’il en a conscience.
Précisons également, fait toujours ignoré, que ce "il" est une expression du je (moi, ego, sujet, esprit) en qui l’entité créatrice qui nous anime, se reconnaît.
*
L’état de transcendance caractérise l’imaginaire, c'est-à-dire le domaine de l’abstraction, ce domaine intemporel et transcendant puisque y cohabitent les virtualités représentatives des expériences passées, jugées dans l’éternel moment présent, afin de pouvoir anticiper.
Fait tout aussi remarquable, les capacités d’abstraction de l’homme (nous pourrions également parler de celles des animaux car, par exemple, les chimpanzés manifestent un proto état de conscience) peuvent évoluer au cours de l’existence ; elles se sont d’ailleurs accrues durant la longue maturation de l’humanité.
Souvenons-nous.
Vers -35.000 l’homme entaillait des dents d’animaux, des ossements et des fragments de pierre ; ce furent les premiers "symboles objectifs vecteurs de sens".
Puis il commença à peindre pour transmettre son appréhension du monde, ses pressentiments et ses sentiments.
L’imaginaire humain s’ouvrait à de nouvelles voies d’expression !
Durant l’Aurignacien (-30.000) apparut un figuratif rupestre primaire constitué d’imageries rappelant des têtes d’animaux et des parties génitales. (Dordogne : La Ferrassie, Abri Cellier ; Basses-Pyrénées : Isturitz).
A partir de -25.000, ces expressions (ces stylisations) s’affinèrent (Gironde : Pair-non-Pair ; Hautes-Pyrénées : Gargas).
Plus précisément, les actualisations de l’imaginaire devinrent sans cesse plus "réalistes" du fait de la découverte de nouveaux "moyens techniques" et d’une plus grande maîtrise des mains.
Les sculptures, les gravures et les peintures, notamment celles découvertes sur les sites de Roc-de-Sers en Charente, du Fourneau-du-Diable et de Lascaux en Dordogne, de La Pasiega en Cantabres, préfigurent d’ailleurs la justesse presque parfaite des proportions et des détails, qui caractérisera les nombreux sites du Magdalénien moyen (-13.000 à -10.000) : Font-de-Gaume, Cap-Blanc, les Combarelles en Dordogne, Niaux, les Trois-Frères, Montespan en Ariège, Altamira et El Castillo en Cantabres.
Par la suite, après avoir davantage pris conscience du monde et d’eux-mêmes, ces lointains ancêtres tentèrent d’établir des rapports avec l’univers mystérieux des puissances qui leur semblaient émaner des êtres, des choses et des phénomènes,
un au-delà qu’ils imaginaient empli d’êtres semblables à ceux qu’ils côtoyaient journellement.
A ce propos, rappelons l’état de transe qui est aussi une des expressions les plus patentes du dualisme.
En effet, cet état de conscience singulier souvent obtenu par ingestion de plantes hallucinogènes,
notamment recherché par les tenants du chamanisme qui semble-t-il, fleurit au paléolithique,
est un état psychique, caractérisé par un "entendement perturbé" qui conduit à mêler, dans le domaine de l’abstraction, de manière surréaliste, les êtres, les choses et les phénomènes.
La découverte de l’état de transe marque d’ailleurs selon nous, le début remarquable de l’extraordinaire évolution du psychisme humain qui, quelque six cents ans avant notre ère, aboutit à l’éclosion de la philosophie grecque, du bouddhisme, du confucianisme et du taoïsme, voire à la maturation de la tradition juive.
Cette courte évocation des activités psychiques de nos lointains ancêtres, même si elle est entachée d’erreurs, n’atteste-t-elle pas, à elle seule, l’existence d’un domaine de virtualité à la fois distant du (transcendant le) cerveau et associé à (impliqué en) lui, sans lequel il ne peut y avoir imagination ?,
l’imagination, une faculté qui permet l’élaboration des concepts, des idées, …, des croyances.
*
En des temps immémoriaux, des esprits éveillés s’interrogèrent donc à propos des forces et des puissances à l’origine des comportements et des phénomènes, notamment à propos des forces physiques manifestées par les individus et les animaux.
Qu’étaient leurs réponses ?
La religion primitive des indiens d'Amérique, descendants de chasseurs indo-européens qui émigrèrent après avoir traversé le détroit de Béring lors de périodes de glaciation, 20.000 à 35.000 ans avant notre ère (quelques scientifiques situent même les premières arrivées entre - 40.000 et - 100.000 ans),
voire des nomades européens qui, lors de la dernière glaciation, progressèrent vers l’ouest, le long de la banquise,
reflète par exemple, la croyance :
- en une force universelle conférant des pouvoirs surnaturels aux hommes, aux animaux, aux plantes et aux phénomènes ; les Iroquois la baptisèrent : Orenda, les Aleut : Agudar, les Lakota : Wakan, les Algonquian : Manitou,
- en des entités invisibles : les esprits, associés aux êtres et aux choses.
Quelques tribus indiennes imaginèrent même un Esprit suprême ; citons notamment le Créateur (Créator) des Lakota, le Grand Esprit (Great Spirit) des Algonquian et le Maître du Souffle (Master of Breath) des Creek.
Où résidaient ces Pouvoirs, en quel au-delà ?
Référons-nous aux antiques croyances égyptiennes :
"Quand un Egyptien devait répondre de ses actes sur terre lors du jugement après la mort, il présentait sa défense sous forme de négations, qui constituent la fameuse confession négative du Chapitre 125 du Livre des Morts ; On y lit notamment : Je ne connais pas le non-existant, ...,
Quand le défunt est accepté après le jugement comme étant l’un des justes et des élus, il est autorisé à poursuivre son chemin vers les pâturages de l’au-delà ; il lui faut cependant traverser maints lieux dangereux, dont une porte nommées celle qui avale ceux qui n’existent pas....,
Il atteint enfin Osiris, le seigneur des morts. Il se trouve en présence d’un dieu qui compte parmi ses multiples épithètes : celui à qui vient celui qui est et celui qui n’est pas." (cf. E. Hornung - Les Dieux de l’Egypte, l’Un et le multiple).
Ainsi, les anciens Egyptiens estimaient que la mort n’était qu’un gué et qu’après le passage dans un au-delà, ils pouvaient vivre comme sur terre, à condition toutefois que leur corps soit intact.
Souvenez-vous des rites qui accompagnaient le décès : le corps était embaumé et enterré avec nourritures et biens avant de rejoindre l’éternel au-delà du monde.
Il est vrai qu’au temps des pharaons, les notions de virtualité et de potentialité n’avaient pas cours ; les prêtres pensaient même, qu’après la mort, après avoir quitté l’état d’existant, l’homme retrouvait paradoxalement dans le non-existant, les éléments qui composent son environnement.
Cet au-delà était d’ailleurs pressenti appartenir au ciel, mais situés hors de la route du soleil ; quant au lieu d’expiation des êtres condamnés lors du jugement des morts, en quelque sorte notre enfer, il était imaginé : "totalement profond, totalement sombre, totalement infini" (cf. Chapitre 175 - Livre des Morts).
Selon l’ancien testament, pour atteindre cet empire des morts, à l’instar des croyances perses et égyptiennes, il fallait traverser des fleuves infernaux interdisant toute remontée à la lumière :
"Les flots de la mort m’enveloppaient, les torrents diaboliques m’épouvantaient." (cf. Bible – Psaumes 18, 5),
voire, franchir des bouches de gouffres décrites comme des portes infernales.
Jusqu’à l’époque de la rédaction du second livre des Maccabées, les juifs croyaient même qu’une partie invisible du corps rejoignait un espace singulier : le schéol, un domaine imaginé souterrain sombre et ténébreux.
Plus tard, pour les rabbins et jusqu’au cinquième siècle, à l’instar de Philon d’Alexandrie, philosophe grec, juif et adepte de la métempsycose, avant d’habiter les corps, les âmes étaient censées préexister dans un monde supérieur,
un espace dénommé Gouf, situé au sommet du ciel et précédant celui des anges.
Souvenons-nous aussi de la géhenne, cet au-delà du monde réservé aux âmes viles, qui sera l’objet de supputations des plus rocambolesques, quelques rabbins allant même jusqu’à en évaluer les dimensions.
Dans le Talmud et à propos de l’au-delà, il est par exemple précisé :
"Dans le monde à venir, on ne boit ni ne mange, on n’a aucune jouissance sensuelle, mais les justes sont assis, des couronnes sur la tête, et se récréent de l’éclat de la Divinité." (cf. Berak’oth – 67, a).
Par la suite, nombre de théologiens juifs furent interpellés par la diversité de ces points de vue.
Afin de remédier à cette situation, Maimonide (1135, 1204), théologien et médecin empreint de platonisme, voire de néoplatonisme, proposera de privilégier l’interprétation de la tradition biblique.
Il considérait en effet, que les idées existent en puissance dans la raison, et que la raison n’acquiert de réalité substantielle que lorsqu’elle construit à l’aide des perceptions.
N’oublions pas aussi les sept cieux des musulmans :
"Les sept cieux Le glorifient, et la terre, et leurs habitants. Il n’est aucune chose qui par la louange ne le glorifie : seulement vous ne pénétrez pas leur glorification. Il est toutefois Longanime, Tout pardon… " (cf. Sourate XVII, 44).
Quant à Platon, il associait aux Formes en soi c’est à dire aux Formes éternelles, un espace de transcendance, voire, leur reconnaissait une nature transcendante :
"Parménide : Mais une chose est sûre en tout cas, c’est que les Formes en soi, tu en conviens (Socrate), ne se trouvent pas en nous et qu’elles ne peuvent se rencontrer dans notre monde." (cf. Parménide - 134 b).
Considérait-il pour autant cette nature inhérente à celle d’un ordre transcendant impliqué dans le monde ?
Nous ne le pensons pas, bien qu’il ait écrit :
"Parménide : En effet, l’Un nous l’avons vu je crois, se trouve être en lui-même comme dans un tout.
Jeune Aristote : C’est juste.
Parménide : L’Un ne se trouve-t-il pas aussi dans les autres choses ?
Jeune Aristote : Oui.
Parménide : Par conséquent, dans la mesure même où il se trouve dans les autres choses, il sera en contact avec les autres choses ; et dans la mesure où il se trouve en lui-même, le contact avec les autres choses lui sera interdit, et c’est avec lui-même qu’il sera en contact, étant donné qu’il se trouve en lui-même.
Jeune Aristote : Apparemment.
Parménide : Ainsi donc l’Un sera en contact aussi bien avec lui-même qu’avec les autres choses.
Jeune Aristote : Il le sera." (cf. Parménide - 148d, e).
A vrai dire, l’alternative platonicienne à propos des Formes en soi :
"ou bien chaque Forme est constituée de pensées et chacune pense, ou bien ce sont des pensées qui ne pensent pas.", est désormais obsolète.
Les récentes avancées scientifiques, notamment en neurobiologie, ont introduit de nouveaux paradigmes qui ouvrent sur de révolutionnaires entendements de la dynamique évolutive du monde.
Encore faut-il tirer la quintessence de ces nouvelles connaissances et dépasser les formalisations (expressions) réductrices actuelles qui en sont faites !
Il apparaît en particulier, sans être grand clerc en la matière, que les formes en soi sont les fruits d’activités transcendantes, comme le sont les pensées, les concepts, les idées, les anticipations, …,
et qu’en outre, elles ne résident pas dans l'esprit puisque l'esprit les élabore,
et que pour les élaborer, il les transcende.
Néanmoins, une problématique incontournable subsiste :
où demeurent à l’état virtuel, les pensées, les idées, les concepts, les anticipations,…, et les liens (notamment les logiques) qui permettent d’en assurer la cohérence et l’adéquation avec le réel ?
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Selon nos lointains ancêtres, les pouvoirs associés aux êtres et aux choses sont divers et hiérarchisés à l’image des phénomènes et des comportements.
En Egypte, il y avait ainsi des "dieux lointains" comme Amon (le caché), Sekhmet (la puissance), Noun (le flux primordial), Houh (l’infinité), Kouk (les ténèbres), Maât (la déesse qui incarnait l’ordre du monde), …, et des "dieux plus objectifs", en particulier ceux associés au vécu quotidien tel Khnoum (le dieu de la cataracte), Khefthernébès (déesse personnifiant la nécropole thébaine).
Quant au panthéon hindouiste, il reflète une grande variété de sensibilités, de sentiments et de pressentiments, et comporte une foultitude de dieux, de déesses, de démons, de démones, d’êtres surnaturels masculins et féminins.
On y trouve, pêle-mêle, des ennemis des dieux (les asuras et les daityas), des êtres souterrains (les nâgas), des génies mi-hommes mi-animaux (les gandharvas), des nymphes (les apsaras), …
En particulier, onze dieux, les Agni (le feu), sont censés résider dans l’Empyrée (le plus élevé des espaces célestes), onze, les Indra (guerriers), sur terre, et onze, les Varuna, dans un espace intermédiaire.
Remémorons-nous aussi les extraordinaires mythes grecs de l’antiquité, notamment dans l’Iliade et l’Odyssée, les exploits d’Ulysse, vainqueur de Troie qui, malgré la protection d’Athéna, fut condamné par des dieux à errer sur la mer avec quelques compagnons d’arme, et contraint d’affronter les Lotophages, le Cyclope Polyphème, les Lestrygons anthropophages, la magicienne Circé, les écueils de Charybde et Scylla, …, la nymphe Calypso.
Bien évidemment, l’analyse de ces croyances nous éloignerait par trop, du cadre de cette étude.
Néanmoins observons que les problématiques, toujours d’actualité, posées par la puissance de l’amour, l’obsession de la mort et le pressentiment de l’au-delà, y étaient omniprésentes.
Est-ce pour cela que les références à ces mondes virtuels totalement irréalistes, apaisèrent durant des siècles, apaisent les encore, les angoisses métaphysiques d’une partie de l’humanité ?
*
La quête des "réalités transcendantes" chères à Platon, menée par Plotin (205 – 270), ce penseur hors du commun, demeure encore aujourd’hui, exceptionnelle.
Celui-ci était convaincu qu’il ne pouvait y avoir d’existence physique sans la cohérence des "multiples" qui constituent l’état d’être,
mais alors, s’interrogeait-il :
est-ce l’Ame, est-ce l’Intellect, qui assure cette unité sachant que l’univers, constitué de myriades d’états singuliers, évolue en toute harmonie ?
Il prôna ainsi, par nécessité, le réalisme (l'existence) d’une entité unificatrice antérieure à l’Ame et à l’Intellect.
Rapportons ses conclusions :
"En résumé, l’Un en soi est absolument premier, mais l’Intellect, les Formes et l’Étant (le réel) ne sont pas premiers…
Ainsi il est impossible que l’Un soit le Tout, car alors il ne serait plus Un,
ni qu’il soit l’Intellect, car ainsi il serait le Tout, puisque l’Intellect est le Tout,
ni qu’il soit l’Étant car l’Étant est le Tout...
L’Un n’est donc pas l’Intellect, mais il est avant l’Intellect. Car l’Intellect est quelque chose, qui fait partie des êtres, mais Lui, il n’est pas quelque chose mais avant chaque chose.
Et l’Un n’est pas non plus l’Étant. Car précisément l’Étant a en quelque sorte une forme, qui est celle de l'Étant, mais l'Un est privé de forme, même de forme intelligible.
Car la Nature de l’Un parce qu’elle est génératrice de toutes choses, n’est aucune d’entre elles. Donc on ne peut dire, ni qu’il est quelque chose, ni qu’il est qualifié ou quantifié, ni qu’il est Intellect ou âme.
Et il n’est pas mû, mais pas non plus au repos, ni dans le lieu, ni dans le temps…
C’est pourquoi même lorsque nous disons qu’il est cause, ce n’est pas à lui que nous attribuons un prédicat, mais à nous-mêmes, car c’est nous qui avons en nous quelque chose qui vient de lui, alors que lui est en lui-même."(cf. Traité 9 – 2, 30 à 45 – 3, 35 à 50).
Ainsi, grâce à de remarquables analyses et introspections, Plotin imaginait deux "réalités transcendantes" ;
néanmoins, les attributs qu’il donna à ces réalités abstraites prêtent souvent à confusion ; nous pensons entre autres, aux prédicats associés aux notions d’âme et d’intellect.
Par bonheur, la compréhension du monde et de sa dynamique évolutive, désormais autorisée par les sciences, permet de lever ces ambiguïtés.
L’âme apparaît aujourd’hui comme une identité spirituelle et non pas comme un opérateur,
une identité spirituelle attestant l’implication permanente d’une entité créatrice de caractère divin (du Divin) en nous, ipso facto, dans l’ensemble du réel.
Notre compréhension de l’intellect se révèle également fort différente du pressentiment qu’en avaient les néoplatoniciens :
"ils doivent admettre qu’il y a un autre Intellect que l’intellect qui raisonne (l’intellect qui raisonne appelé par Platon et Aristote, le raisonnable), parce que les raisonnements sont d’ores et déjà en quelque sorte dans un état d’extension et de mouvement, et que les sciences, qui sont des raisons formelles dans l’âme, sont telles qu’elles sont parvenues d’ores et déjà à un état de manifestation, par le fait que l’Intellect est devenu cause des sciences dans l’âme"(cf. Traité 9 – 5, 10),
car l’intellect n’est pas une entité qui raisonne mais un vaste ensemble de facultés d’ordre transcendant qui permettent de raisonner.
En particulier, l’intellect n’est point cause primordiale ni des formes ni des sciences ; en revanche, de par les facultés d’ordre transcendant qu’il recouvre, l’intellect permet la reconnaissance des formes et l’épanouissement des sciences, ce qui est fort différent !
Pour ce qui est de l’Un, décliné par Plotin au gré de ses discours comme Bien, Premier, Principe de Tout, Source de vie, Cause du Bien, Racine de l’âme, Dieu,
il trouve aujourd’hui un nouveau réalisme que nous pouvons exprimer par la notion d’ordre ; ainsi, nous pouvons désormais parler, de manière crédible, de l’ordre de l’énergie universelle et de l’ordre transcendant inhérent à l’entité créatrice qui, de toute éternité en charge du monde, nous anime et se reconnaît dans le moi (je, sujet, ego, esprit).
Mais alors, n’est-ce point ? :
"à l’intérieur de soi qu’il faut rechercher la présence universelle de l’Un....
Il n’est, dit Platon, en dehors de rien, mais il est avec tous les êtres, sans qu’ils le sachent. Ce sont eux, en effet, qui fuient hors de lui, ou plutôt hors d’eux-mêmes. Ils ne peuvent donc saisir celui qu’ils ont fui, et, s’étant perdu eux-mêmes, chercher un autre, pas plus qu’un enfant, hors de lui parce qu’il est atteint de folie, ne pourra connaître son père. Mais celui qui s’est reconnu lui-même saura aussi d’où il vient." (cf. Plotin – Traité 9 – 7, 30).
Certes, d’autant plus :
" qu’Il ne peut être objet de discours ni objet d’écrit, mais si nous parlons et écrivons, c’est pour conduire à lui, pour encourager à la vision, à l’aide de nos discours, comme si nous indiquions le chemin à quelqu’un qui veut voir quelque chose. Car l’enseignement ne peut conduire que jusqu’à la route, que jusqu’au cheminement, mais la vision elle-même, c’est à celui qui veut voir de la réaliser." (cf. Traité 9 – 4, 11).
Néanmoins,
comment comprendre les interactions permanentes avec l’au-delà, plus exactement, avec les au-delà(s), dès lors que l’essence de toute réalité transcendante, entre autres celle du moi (je, ego, sujet, esprit), échappe à l’entendement ?
Nul doute, les réponses présupposent une nouvelle formulation de nombreux concepts et une grande rigueur sémantique.
De bien cruels reniements en perspective, pour les philosophes et les théologiens !
*
Le monothéisme chrétien est selon nous, l’expression la plus subtile du mysticisme,
la plus subtile, notamment parce que ses pères fondateurs réussirent à intégrer dans leur dogmatique certains concepts révolutionnaires comme celui d’hypostase,
et ce, sans renier par trop, les vérités, dites révélées, transmises par la tradition biblique.
Attardons-nous quelque peu sur l’un de ces pères, le plus charismatique : Saul,
sur Paul, cet impétueux juif de Tarse (?), fou de Dieu, tout d’abord de Yahvé, puis du Christ,
probablement né en l’an 8 de notre ère et mort décapité en 64 ( ?).
Il se présentait volontiers comme citoyen romain, circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreux fils d’Hébreux ; pour la Loi, il était un pharisien, exerçant le métier de "fabricant" de tentes.
Au dire des exégètes actuels, il commença à structurer son mysticisme en psalmodiant les textes rapportés par la Bible des Septante, bible transcrite en grec (sa langue maternelle) quelque trois siècles avant J.C.
Ses études débutèrent à Tarse:
"j’ai été éduqué ici dans cette ville. Avec Gamaliel comme maître, j’ai été instruit de la Loi de nos pères de la façon la plus correcte et j’étais fanatique pour Dieu comme vous l’êtes tous aujourd’hui." (cf. Bible - Actes des Apôtres 22, 3),
pour s’achever à Jérusalem.
Précisons que Gamaliel était un docteur de la Loi empreint de philosophie grecque, reconnu rabban (titre plus prestigieux que celui de rabbin) et dont la parole ne pouvait être mise en doute.
Laissons encore parler Saul :
"J’étais plus avancé dans le judaïsme que la plupart de ceux de mon âge et j’étais farouchement attaché aux traditions de mes pères." (cf. Bible - Lettre aux Galates 1, 14),
et,
".... lorsque Festus l’interpella d’une voix forte : Mais tu es fou Paul, tu as trop étudié et tu perds la raison !" (cf. Bible - Actes des Apôtres 26, 24).
Ainsi, comme tous les pharisiens, Saul croyait aux anges, aux démons et à la résurrection des corps ; la résurrection par exemple, lui paraissait essentielle car elle devait permettre, après un jugement dernier, de récompenser les bons et punir les méchants.
Nul doute cependant, selon nous les incessantes redites durant son éducation religieuse, s’étaient transformées en vérités imprescriptibles ne supportant pas la moindre contradiction.
Pour Paul, seules sont essentielles : l’incarnation de Dieu en un homme : le Christ, la mort et les souffrances de celui-ci pour racheter les péchés de l’humanité et sa résurrection, car ces faits crédibilisent l’amour de Dieu pour l’humanité et le "réalisme" d’un royaume divin.
Il avait également une compréhension originale de la vie spirituelle, comme si celle-ci n’avait de "vraie valeur" qu’après la mort :
"On sème un corps en décomposition, mais il ressuscite incorruptible ? On le sème dans son humiliation, mais il ressuscite dans la gloire. On le sème impuissant, mais il ressuscite en pleine force. On le sème, ce n’était que vie animale, mais il se réveille corps spirituel. Car si le corps doué de vie animale est une réalité, le corps spirituel l’est tout autant." (cf. Bible - Première lettre aux Corinthiens – 15, 42 à 45).
L’idée de corps spirituels, n’en demeure pas moins l’ouverture conceptuelle majeure de la mystique paulinienne.
Dans quel au-delà du réel étaient censées résider, éternellement, ces entités spirituelles ?
Etait-ce dans le lieu idyllique imaginé par Xénophon (- 430, -355), disciple de Socrate, qui en parlait comme de paradeisos (mot grec dérivé de l’iranien : pairidaeza) ?
Problématique d’autant plus ardue, que Paul et ses disciples croyaient en un monde supérieur propre au démon :
"Portez sur vous toutes les armes de Dieu, de façon à repousser toutes les attaques du diable. Car nos ennemis ne sont pas de chair et de sang : ce sont les Principautés, les Autorités, les Maîtres de ce monde obscur, les forces spirituelles mauvaises du monde supérieur." (cf. Bible - Lettre aux Ephésiens – 6, 11 et 12).
Toujours selon Paul :
"Nous le savons, si notre maison terrestre, il faudrait dire notre tente, vient à se démonter, Dieu nous réserve une habitation dans le ciel, une maison qui n’est pas faite de main d’homme et qui est pour toujours." (cf. Bible - Deuxième lettre aux Corinthiens – 5, 1),
"O Galates sans cervelle ! .... Je voudrais que vous me disiez : avez-vous reçu l’Esprit en pratiquant la Loi ou en accueillant la foi ? Vous avez commencé par l’Esprit et vous terminez par la chair...
L’Ecriture savait déjà que Dieu donnerait aux païens la vraie droiture par le chemin de la foi. Aussi Abraham reçut-il cette promesse : La bénédiction passera de toi à toutes les nations. Ce sont donc bien ceux qui comptent sur la foi qui sont bénis avec le croyant Abraham." (cf. Bible - Lettre aux Galates – 3, 1 et 2, 8 et 9).
En d’autres termes,
tous les corps humains peuvent être les réceptacles de l’Esprit,
tous les peuples, et pas uniquement Israël, sont temple de Dieu !
Paul fut ainsi le premier théologien juif de citoyenneté romaine, à mettre en exergue avec autant de force, le "réalisme de l’Esprit" sans toutefois reconnaître l’implication permanente du Divin en tout être et dans le monde, en tant qu’entité créatrice,
comme si l’univers une fois créé par Dieu, pouvait évoluer en toute cohérence et dans son infinie diversité, de par sa seule nature physique.
La mystique paulinienne traduit également un universalisme qui rompt avec la "suffisance" affichée du judaïsme, une suffisance qui caractérise hélas, maints dogmes monothéistes actuels.
Néanmoins, cette mystique fut trop subtile pour son époque, comme l’avoue d’ailleurs le rédacteur de la deuxième lettre de Pierre :
"Croyez bien que si Dieu prend son temps, c’est pour vous sauver. D’ailleurs Paul, notre frère bien aimé, vous a écrit à ce sujet avec la sagesse que Dieu lui a donnée. Il en parle dans toutes ses lettres. Il faut le reconnaître, elles sont parfois difficiles à comprendre et les gens sans instruction ou peu sûrs les comprennent de travers pour leur propre dommage, comme ils font avec les autres Ecritures." (cf. Bible - Deuxième lettre de Pierre écrite probablement en l’an 100 – 3. 15 et 16),
à tel point qu’après la mort de Paul, jusqu’à saint Augustin (354 – 430), il n’y eut aucune avancée conceptuelle majeure de la mystique judéo-chrétienne.
Les disciples de Paul se contentèrent de faire référence à son autorité théologique et si l’on en croit les exégèses actuelles, certains d’entre eux écrivirent même en son nom : cf. lettres aux Ephésiens, aux Colossiens et aux Hébreux.
A vrai dire et à titre de comparaison,
croyez-vous qu’il soit possible de nos jours, pour les physiciens de l’élémentaire, de communiquer leurs connaissances aux personnes qui n’ont pas de très grandes capacités d’abstraction et une culture mathématique appropriée ?
Certes non.
Ne nous étonnons donc pas de l’"éclatement" du paulinisme qui eut lieu au deuxième siècle, à Rome, sous le couvert de trois écoles théologiques, respectivement conduites par Marcion (85 ? – 160 ?), Justin (100 ? - 165 ?) et Valentin.
Justin, dit Justin martyr après son exécution vers 165, chef du courant majoritaire et premier intellectuel chrétien d’origine non juive, conscient de la nécessité de parler d’une seule voix, en somme, conscient de la nécessité de disposer d’un canon, s’efforça alors de concilier les points de vue.
En fait commençait la véritable maturation du mysticisme chrétien ; attardons-nous quelque peu sur certains évènements qui en émaillèrent l’histoire et qui ont une résonance dans notre compréhension du monde.
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En toutes civilisations les hommes eurent le pressentiment fort de communications entre le réel et son (un) au-delà ; les rêves par exemple, furent reconnus porteurs d’informations.
Les mythes et les coutumes se nourrirent dès lors d’expériences personnelles donnant naissance à une mystique prisonnière des sens, et l’on en vint à parler de ce qui est pour toujours caché, inaccessible, inexprimable (on en parle encore), comme si cela était visible.
Au début de notre ère, ce pressentiment conduisit quelques pères de la chrétienté empreints de culture grecque, à s’interroger à propos de l’implication permanente d’une entité créatrice de caractère divin (du Divin), voire de Dieu, dans l’univers,
Septimius Tertullien (155 ? – 220 ?) prônant, par exemple : "Dieu est le créateur et pourtant Il n'est pas seul.".
Cette problématique était une gageure,
d’une part en raison des connaissances primaires qui prévalaient à l’époque,
d’autre part parce que ces pères fondateurs devaient intégrer dans leur compréhension platonicienne et aristotélicienne du monde, en particulier de l’Un, du Bien et de l’âme, le rôle d’un Dieu issu de la tradition biblique et celui d’un prophète Jésus (ce ne fut qu'au concile de Nicée I, en l'an 325, que le Christ fut proclamé de même nature que Dieu).
Cette problématique a ainsi nécessité la synthèse de moult sensibilités et de nombreux compromis, sous le couvert d’âpres discussions entrecoupées d’anathèmes.
Parmi ces sensibilités, rapportons celles analysées par Maxime Le Confesseur (580 - 662) :
"- Arius confessait les trois hypostases mais niait l'Unité ; en d’autres termes, il ne reconnaissait pas la Sainte Trinité consubstantielle,
- Sabellius confessait l'Unité mais niait la Trinité, car il disait que Père, Fils et Saint-Esprit sont les mêmes,
- Macedonius vénérait des choses semblables à Arius car il supposait que le Saint-Esprit est une créature,
- Semblablement, Nestorius disait qu'il y a une différence de nature au sujet de l'Un de la Sainte Trinité ; il ne confessait pas l'union car il disait que cette union n'est pas faite selon l'hypostase,
- Eutychès confessait l'union mais niait la différence selon l'essence et introduisait une confusion des natures." (cf. Opuscules Théologiques et Polémiques - Maxime le Confesseur, la charité, avenir divin de l'homme - Beauchesne, Paris 1976).
La manière d’exprimer l’"état d’être de Dieu" nécessita donc la condamnation de nombreuses doctrines, en particulier :
- l'arianisme au concile de Nicée (en 325) convoqué par l'empereur romain Constantin,
- le nestorianisme de Nestorius et Pelage au concile d’Ephèse (en 431) ; ces théologiens, arguant du fait que les deux natures, divine et humaine du Christ, sont nettement distinctes, voire séparées, ne reconnaissaient pas la Vierge Marie comme "Mère de Dieu",
- le monophysisme, au concile de Chalcédoine (en 451), qui donnait la primauté à la nature divine du Christ au détriment de sa nature humaine, voire, qui confondait les deux natures.
L’acte de foi et de raison (de logiques de raisonnement) : "Je crois au Saint-Esprit qui procède du Père", fut ainsi dogmatisé en 381, à Constantinople.
A vrai dire, la confusion n’était pas totalement levée puisqu’en 675, il fut décrété :
"Voici comment parler de la sainte Trinité : on doit dire et croire qu'elle n'est pas triple mais trine. On ne peut dire justement que la trinité soit en un seul Dieu, mais qu'un seul Dieu est trinité. Dans les noms de personnes qui expriment les relations, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux. ....
Le Père est Père, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Fils. Le Fils est Fils, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Père. De même, le Saint-Esprit ne se réfère pas à lui-même, mais au Père et au Fils parce qu'il est appelé l'Esprit du Père et du Fils..... Même dans les noms dont la trinité a voulu que chaque Personne fut désignée, elle n'a pas permis qu'on comprenne l'une sans l'autre : le Père, en effet, ne peut être connu sans le Fils et le Fils n'est pas découvert sans le Père. La relation elle-même, dans sa dénomination personnelle, empêche de séparer les personnes et quand elle ne les nomme pas ensemble, elle les indique ensemble. .... Le Père a l'éternité sans naissance, le Fils l'éternité avec la naissance, le Saint-Esprit, la procession sans naissance, avec l'éternité." (cf. Concile de Tolède - FC 11-28).
Par la suite, en Espagne, en Gaule et en Italie, cette expression des relations divines fut supplantée par le concept lapidaire :
"Je crois en l'Esprit-Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père et du Fils,
(Et in Spiritum Sanctum, Dominum et vivificantem, qui ex Patre Filioque procedit)"
Charlemagne (747 ? - 814) demanda d’ailleurs au pape Léon III, de généraliser le Filioque à l'ensemble de la chrétienté, mais l'Eglise de Constantinople, confortée par la vive opposition des Grecs, rejeta cette démarche prétextant qu’elle était unilatérale et non conciliaire.
Etait-ce pour justifier et consolider son indépendance vis-à-vis de Rome ?
Quoi qu’il en soit, la rupture fut consommée en 1054 et conduisit à un schisme toujours d'actualité.
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Fait remarquable, au XIIIe siècle le principe trinitaire s’enrichit à nouveau, lorsque saint Thomas conforta le Filioque par le biais d’un processus analogique de type néo plotinien (certains vous diront augustinien) :
"Le Fils procède par mode d'intelligence, en tant que Verbe ; le Saint-Esprit procède par mode de volonté, en tant qu'amour. Or il est nécessaire que l'amour procède du Verbe : en effet, nous n'aimons pas une réalité, sinon à la mesure même où nous l'appréhendons par une conception de l'esprit. A partir de cela, il est donc manifeste que l'Esprit procède du Fils." (cf. Somme théologique - I, 36, 2).
Plus précisément, estimant que les relations relèvent toutes d’un ordre spirituel (de l'esprit) et que les états de la matière sont en contact, sans plus, saint Thomas en vint à distinguer :
- la relation par mode d'hypostase (per modus hypostasias) qui, enracinée au tréfonds de l'homme, le fait être qui il est,
- de la "relation en tant que relation" (esse ad) qui relie la personne humaine à l'autre, qui va de la personne humaine à l'autre.
Il introduisit aussi la relation "esse in" (être dans) qu'il reconnut accidentelle pour l'homme et substantielle (subsistante) chez Dieu.
Convaincu que "la personne (à fortiori, divine) c'est la relation", saint Thomas chercha également à établir et à proposer des correspondances rationnelles entre les personnes divines.
En particulier, par l’opération dite d'"appropriation" qui consiste à attribuer à Dieu certaines spécificités humaines, il s’efforça d'articuler en Dieu, les trois concepts relation, personne et essence (l’appropriation avait été reconnue et adoptée au concile de Constantinople en 381).
Rapportons l’argumentation de saint Thomas :
"Le nom personne signifie la relation in recto et l'essence in obliqua : non pas toutefois la relation en tant qu'elle est relation, mais en tant qu'elle est signifiée par mode d'hypostase.
De même, personne signifie l'essence in recto et la relation in obliqua : en tant que l'essence est la même chose que l'hypostase : or l'hypostase est signifiée en Dieu comme distincte par relation et, ainsi, la relation, signifiée par mode de relation, tombe in obliqua dans la notion de personne." (cf. Somme théologique - 1, 29, 4).
Exprimé différemment,
"Qui" discourt in recto de la personne de Dieu (qui, dans le discours, privilégie la personne de Dieu) sous-entend ipso facto, l'essence divine,
et, vice versa, "qui" discourt in recto de l'essence divine (qui, dans le discours, privilégie l'essence divine) sous-entend, ipso facto, la personne de Dieu.
En d’autres termes, l’argumentation thomiste était censée répondre à la problématique :
Comment concilier personne divine et essence divine sachant que ces concepts ne relèvent pas du même "réalisme" ?
La problématique "essence - personne" est d’ailleurs toujours d’actualité puisque, aujourd'hui encore, les philosophes et les théologiens ignorent les interactions permanentes entre les au-delà(s) du monde et le réel, c’est à dire entre ce qui est potentiel et créé, transcendant et matérialisé, indifférencié et structuré.
Dès lors, l’humanisation par saint Thomas de l'état d'être de Dieu, en particulier des quatre relations hypostatiques réciproques et non symétriques :
du Père vers le Fils sous le couvert de paternité, du Fils vers le Père en filiation, du Père et du Fils ensemble vers l'Esprit comme spiration active, de l'Esprit vers le Père et le Fils ensemble comme spiration passive,
nous paraît une simple "conjugaison de présupposés".
Par la suite, les théologiens chrétiens cristallisèrent leur compréhension de l’essence de Dieu en des qualités a priori.
L’attendu :
"Nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru. Dieu est amour et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu en lui."(cf. Bible – Première lettre de Jean 4, 16),
devint leur référence majeure.
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Certes, comme le disait saint Thomas, toute relation est de nature spirituelle (plus exactement selon nous, est représentative d’interactions d’ordre transcendant), néanmoins il se trompait lorsqu’il considérait que "les états de la matière sont en contact, sans plus".
Les particules, les atomes et les molécules qui constituent le réel et le corps, baignent dans un insondable vide à l’image de celui qui participe du cosmos ; les états de la matière ne sont donc jamais en étroits contacts physiques.
En revanche, ils demeurent en interaction permanente par le biais de forces potentielles et à l’aide d’ondes électromagnétiques qui, vecteurs primordiaux d’informations et d'organisations de processus, font du réel un cybermonde, où le sens est omniprésent.
Bien évidemment saint Thomas ne pouvait avoir connaissance de ce fait essentiel puisqu’en ce début de troisième millénaire, il commence tout juste à être objectivé.
Que pouvons-nous dire de nos jours ?
Les confrontations d’idées et les exégèses qui durant des siècles émaillèrent l’histoire du monothéisme chrétien,
et la prise en compte des actuelles avancées révolutionnaires en biologie et en neurobiologie,
montrent à l’évidence, que les textes bibliques qui traitent de ce qui est primordial, ne sont porteurs que d’entendements d’époque, comme si Dieu n’avait révélé que des bribes de vérités relatives.
D'autre part, le manque de rigueur conceptuellle et sémantique en ce début de troisième millénaire, permet de "maintenir" les croyances en ces ancestrales vérités dont certaines sont désormais invalidées par les sciences, aidé en cela par l’obscurantisme du siècle dit des lumières,
en particulier, permet de continuer à minimiser, voire à ignorer la vie spirituelle qui nous caractérise durant l’existence.
Néanmoins,
condamnée au conservatisme par ses théologiens qui, de concile en concile, privilégièrent sans cesse davantage la tradition biblique au détriment d’idées riches de modernité, émises par les penseurs platoniciens et néoplatoniciens, voire cartésiens,
la dogmatique chrétienne devra bien évidemment, intégrer la révolution conceptuelle radicale qui s’annonce ; il en est d’ailleurs de même pour les autres religions et la philosophie.
Cette révolution conduira notamment à reconnaître,
- les incessants flux d’informations et d'organisations de processus (de sens) dans la matière animée, ipso facto inerte,
sens qui sous-entend bien évidemment, interprétation et transcendance.
Corrélativement, ces faits inciteront à rejeter les théories qui tentent, depuis des siècles, de nous convaincre que l’univers est régi par des lois et des principes.
Ces lois et ces principes ne sont pas des opérateurs mais des formalisations (des expressions) de comportements immuables qui impliquent la prise en compte permanente de repères de valeur comme les durées, ces intervalles qui ne sont pas de l’espace,
et ce, par une entité maître du "sens" !
- le "réalisme" d’interactions permanentes avec un au-delà du monde, d’ordre transcendant ; citons parmi ces modes de communication : les incitations, les pressentiments, les sentiments, voire les pensées, les concepts, les anticipations, …, c’est à dire les constructions abstraites (les fruits d’activités d’ordre transcendant) élaborées par l’entité créatrice de caractère divin qui, de toute éternité en charge du réel, nous anime.
Il s'agit donc d'un dualisme de caractère universel, qui nous conduit d’ailleurs à prôner avec assurance :
Cogito ergo mundus vivit. (Je pense donc le monde vit) ; Descartes nous excusera !
- le rôle essentiel de notre vie spirituelle durant l’existence, qui n’a jamais vraiment été débattu par les philosophes et les théologiens, ne serait-ce que parce qu’il est aisément masqué par le méli-mélo "raison, conscience, pensée, esprit", le statut d'"opérateur" reconnu aux lois universelles, et les concepts d'intelligence artificielle et de pouvoir auto-organisationnel de la matière.
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Révolution radicale aussi parce que les sciences permettent désormais de mieux conceptualiser les notions d’énergie universelle et d’intemporalité.
Ainsi l’énergie universelle dont tous les scientifiques parlent sans en rien connaître, est l’"énergie mère", qui, sans dimension, sans temporalité, omniprésente en tout point du réel, est l’éternel substrat du monde.
D’elle sourdent les particules qui forment les atomes et les molécules constitutives des myriades d’états de la matière, tant inerte qu’animée.
En elle sont ressourcés, suivant des cycles incessants, des pans de l’univers, faisant de celui-ci un éternel chantier à jamais inachevé.
L’énergie universelle, ce Pouvoir unitaire de la matérialité, comme nous le spécifions, est donc intimement liée aux différentes énergies qui permettent la dynamique du monde.
En outre, les différentes énergies ne sont pas uniquement d’ordre physique : cinétique, électrique, thermique, …, comme cela est communément dit ; elles comptent aussi des énergies plus subtiles que donnent notamment à connaître l’introspection, la biologie et la neurobiologie.
Citons par exemple les différentes expressions de l’énergie psychique, et plus précisément, les énergies associées aux facultés d’ordre transcendant qui permettent de créer tout en respectant des références de valeur, que ce soit sous le couvert d’actes innés ou d’actes innés et conscients.
Energies subtiles car elles comportent une part d’énergie physique quantifiable et une part d’énergie non quantifiable corrélative d’intentions, de désirs, de volontés, ..., voire de dessein primordial.
Autre fait essentiel objectivé par les sciences de la vie,
il n'y a pas d’énergie biologique, celle qui caractérise les êtres, sans implication d’une entité créatrice d’ordre transcendant.
Quel éclairage révolutionnaire jeté sur l’univers, l’apparition de la vie et le sens de l’existence humaine !
Ainsi,
- l’univers se révèle éternel puisque son existence présuppose la permanence d’un Pouvoir unitaire intemporel source-mère des énergies dans lequel des pans du cosmos sont constamment recyclés,
- le phénomène de la vie apparaît comme une potentialité de l’univers, actualisée dès que les caractéristiques d’une planète sont adéquates,
une théorie que nous avons déposée à l’Académie des Sciences sous pli cacheté n° 17611,
- compte tenu du nombre de planètes (plus de 10 puissance 23), il est plus que probable que la vie et des êtres semblables à l’humain existent, de toute éternité.
Mais alors, pourquoi cette entité créatrice impliquée dans le monde,
qui ne peut être que de caractère divin puisqu’elle est d’ordre transcendant,
se reconnaît-elle en nous sous le couvert du je (moi, ego, sujet, esprit) ?
N’est-ce point parce que l’homme est une nécessité divine plutôt qu’une création spécifique sur terre ?
Nous en sommes convaincus,
- d’une part, puisque nous sommes en symbiose avec la dynamique universelle étant sans cesse reconstruits à l’aide de particules quantiques (donc cosmiques) vecteurs d’informations,
- d’autre part, en raison de la non omnipotence de cette entité créatrice, c’est à dire du Divin impliqué dans le monde.
En nous par exemple, ne subit-il pas les contraintes inexorables de la relativité ?,
et ne doit-il pas œuvrer pour savoir et chercher pour savoir davantage ?
Ainsi, "Dieu est le créateur et pourtant Il n'est pas seul", comme disait Septimius Tertullien précédemment cité.
Selon nous, il existe deux Sources éternelles de la réalité, plus précisément, deux domaines sans structure interne, sans dimension, hors du temps, c'est-à-dire deux Pouvoirs unitaires antérieurs au "Tout sensible",
- l’un attesté par l'énergie universelle, éternel substrat de la matière,
- l'autre censé exprimer l’état primordial du Divin avant que celui-ci ne s’implique dans l’univers pour en conduire la dynamique évolutive.
La cohérence de la dynamique universelle malgré le caractère sacrificiel du monde, et la non omnipotence du Divin, nous incitent également à postuler, par nécessité, un Pouvoir absolu, une omnipotence que nous baptisons "Transcendant Suprême".
Hélas, ce Transcendant Suprême, ce Dieu, demeure inaccessible.
En revanche, par bonheur, le Divin qui en émane et nous anime, nous révèle un au-delà du monde empli d'espérances !
P. Moyne
http://www.paulmoyne.com
Comment
Que vous suggère cette théorie ?
Paul Moyne
http://www.paulmoyne.com
Posted by Stacy Esch on November 6, 2023 at 8:15pm 10 Comments 0 Likes
Is an artist's "vision" primarily a product of experience or imagination? I don't want to pursue the simple answer that it's both. Is it primarily one or the other, of if it's just plain old both, how do they interact to create an imaginary world?
Is it true that some people have more artistic vision than others, or is this kind of seeing equally available to all?
Posted by Clare Davis on November 6, 2023 at 8:15pm 0 Comments 0 Likes
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ContinuePosted by Martyn Davis on November 6, 2023 at 8:14pm 0 Comments 0 Likes
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ContinuePosted by Tory Tilley on November 6, 2023 at 8:13pm 0 Comments 0 Likes
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Posted by Yolanda Bruner on November 6, 2023 at 8:12pm 0 Comments 0 Likes
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Posted by Nickolas Caraballo on November 6, 2023 at 8:11pm 0 Comments 0 Likes
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Posted by Fina on November 6, 2023 at 8:10pm 0 Comments 0 Likes
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ContinuePosted by Sanjeev Saxena on November 6, 2023 at 8:10pm 0 Comments 0 Likes
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ContinueAdded by Balan Rajeev 0 Comments 0 Likes
Added by Renny Jones 0 Comments 0 Likes
Added by Renny Jones 0 Comments 0 Likes
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